Genre et commerce équitable : faire bouger les lignes dans la filière cacao

18 mars 2021
4 min

Parole d’actrices – 3 productrices membres de deux coopératives agricoles en Côte d’Ivoire soutenues par le programme Équité évoquent l’importance des regroupements de femmes et de la sensibilisation dans la lutte contre les inégalités femmes-hommes de la filière cacao.

En Côte d’Ivoire, les productrices de cacao font face à de nombreuses inégalités. Nous avons rencontré Marcelle Yoboue Affoue et Liliane Tokoré de la coopérative EKACOOG et Abenan Badou de la CAKF, deux coopératives dont les projets sont soutenus par le programme Équité.

Dans un contexte d’héritage où la terre se transmet de père en fils, les femmes ont généralement un accès très limité au droit foncier. Si elles veulent pratiquer la cacaoculture sur leur propre terrain, les femmes doivent acheter leurs terres, elle-même. C’est ce qu’a fait Marcelle Yoboue Affoue pour ses 2 hectares de plantations cacaoyères. Productrice de la coopérative EKACOOG, mariée et mère de 5 enfants, cette propriétaire échappe ainsi à la précarité à laquelle sont soumises nombre de femmes, du fait de la trop faible ou non-rémunération de leur travail au sein des parcelles agricoles.

En effet, « les femmes mariées réalisent des travaux agricoles sur les parcelles de leurs maris, et lorsque la production familiale est vendue, les femmes ne sont pas rémunérées. Elles ne seront rémunérées que si elles travaillent pour d’autres hommes dans d’autres parcelles. » déclare Liliane Tokoré, directrice de la coopérative dont Marcelle Yoboue Affoue est membre. Ces inégalités d’accès à la terre ont poussé la coopérative à mettre en place des mesures de sensibilisation auprès des hommes, par exemple en les encourageant à céder une partie de leurs terres à leurs femmes pour qu’elles puissent en extraire un revenu qui leur revienne. C’est notamment grâce à ces sensibilisations et au plaidoyer en faveur des femmes que leur nombre au sein de la coopérative ECAKOOG a augmenté ces dernières années, atteignant aujourd’hui 131 productrices membres.

Ces sensibilisations visent aussi à souligner la double journée de travail qu’accomplit la femme au sein du ménage. Liliane Tokoré explique : « Aujourd’hui, les femmes peuvent commencer leur journée à 4h du matin, et finissent plus tard que les hommes pour assumer toutes les tâches domestiques en plus du travail agricole ! Elles n’ont pas le temps de se reposer. »

L’accès au foncier et la forte charge de travail ne sont pas les seules difficultés que rencontrent les productrices ivoiriennes de cacao. Abenan Badou, mère de 5 enfants, productrice et propriétaire de sa parcelle au sein de la coopérative CAKF le rappelle : « Chez nous, les hommes et les femmes n’ont pas les mêmes chances. Nous, les femmes, n’avons pas eu la chance d’aller à l’école, contrairement aux hommes. » L’analphabétisme touche encore de nombreuses femmes en Côte d’ivoire.

De plus, “Ce sont souvent les hommes qui prennent les décisions pour la famille. » ajoute Abenan Badou. Écartées des lieux de décision, les femmes sont pourtant porteuses d’innovations et leur implication dans les instances de gestion est un atout pour les coopératives agricoles. C’est pour cela que la coopérative ECAKOOG, dans le cadre de son projet soutenu par le programme Équité, prévoit d’impliquer un groupement de femmes dans le développement de systèmes agroforestiers. L’installation de ces femmes sur une parcelle de production agroforestière, couplée à la gestion de toutes les étapes de production des plants en pépinière qui leur sera confiée, permettra à la fois de répondre aux enjeux d’accessibilité au foncier et de contribuer à leur autonomisation.

«Travailler ensemble pour aller plus loin», c’est le conseil de Marcelle Yoboue Affoue pour relever l’ensemble de ces défis. Elle explique que c’est grâce à la coopération entre les femmes que chacune parviendra à faire face aux problèmes qu’elle peut rencontrer de manière individuelle. Marcelle Yoboue Affoue est membre d’une association de femmes unies pour s’entraider dans leur activité de production de cacao et de manioc.